Un oiseau rare en cage.

Nous venons de là

Dans l'une des chambres de la maison familiale, il y avait une cheminé et dans cette cheminé, brulait un grand feu, crépitant, dont les quelques fleurs et plantes séchées plongées dans l'eau bouillante répandait dans l'ensemble des lieux une douce odeur fraiche, apaisante.

Au centre de la pièce était installé un grand lit, des édredons moelleux, des couvertures épaisses, des draps au parfum fleuri, le meilleur endroit pour installer une jeune créature blessée, un être ayant besoin de repos. Et Erik le discret avait trouvé une magnifique créature à installer dans ce paisible endroit, une créature endormie qu'il avait transporté avec soin jusqu'ici.

Cela faisait plusieurs heures déjà qu'elle dormait là, plongée dans les méandres d'un sommeil qu'Erik n'avait pas eut trop de mal à forcer. Entre la fatigue, le froid, la douleur, il n'avait pas eut trop de mal à la pousser dans la gouffre auquel elle tentait d'échapper alors qu'ils s'en retournaient jusqu'à la demeure des siens.

Délicatement, il l'avait donc porté jusque là, avait retiré ses vêtements détrempés, recouvert son corps dénudé d'un drap de nuit appartenant à sa soeur et soigné avec toute l'expertise qui était la sienne les chairs à vifs de le froid n'avait pas épargné. Ce n'était peut être pas convenable d'agir ainsi, mais le joueur de flûte avait agit avec la plus grande des rigueurs, la plus grande des droitures, ne posant sur elle que le regard du soigneur que l'on avait fait de lui à travers son enseignement, sans jamais dépasser les bornes, non, il ne se le serait jamais permit.

A présent, il s'était assit dans un fauteuil confortable, au chevet de cette étrange blonde aux yeux d'azur, dans ses mains il tenait un vieil ouvrage à l'odeur douceâtre dont il tournait les pages avec la plus grande des précautions, un manuscrit ancien dont il déchiffrait sans difficulté les lettres tracées à la main avec élégance, mais dont son esprit ne parvenait pas à s'attacher au contenu puisqu'à chaque bruissement qu'il percevait, à chaque mouvement que faisait la belle endormie, il relevait la tête et toute son attention ne se portait plus que sur elle.

-Si tu la voyais ma chère soeur, je suis certain qu'elle te plairais... C'est sur qu'elle n'est en rien docile, mais elle porte en elle l'assurance des plus grandes, une détermination qui semble enraciné jusqu'à son coeur lui même et une beauté comme de celle des terres gelées. Oui, ma Lénore, cette créature te plairait autant qu'elle me plait...

La jeune femme était étendue à quelques mètres de lui, quelques mètres à peine d'où il pouvait sans peine admirer chaque trait de son visage d'abord tiraillé par la fièvre, ses mèches blondes venant se coller à son front. D'un geste furtif, Erik avait dégagé son visage, patiemment pendant des heures, il avait passé un linge humide pour faire tomber la fièvre, fait couler entre ses lèvres une infusion calmante afin qu'elle se rétablisse sans mal. A présent, elle semblait plongé dans un sommeil profond, serein, ses traits s'étaient adoucis, la belle avait cessé de s'agiter offrant au regard indiscret de son hôte la délicatesse de son visage.

-Comment as tu pu te jeter ainsi avec abnégation dans les eaux gelées de ce lac ? Quelle force mystique a t'elle bien pu te pousser à agir ainsi, alors qu'il t'était complètement inconnu. Tu es une élue, cela est certain, mais de quelle espèce ?

La beauté racée de sa musculature fine attira son regard sous le drap fin, presque transparent qui la recouvrait à présent qu'elle avait écarté sans difficulté la couverture posée sur le lit, pourtant il ne s'attarda pas à une observation indiscrète, une chose encore l'intriguait, une chose qu'il ne parvenait pas à s'expliquer.

-Mieux encore, comment as tu fait pour faire de moi l'éternel observateur, un acteur à part entière de ta vie, cette intervention fut elle brève.

Vigrid était un homme d'action, il l'avait d'ailleurs toujours été comme Olaf, l'un plus vif, l'autre plus fort, souvent, ils avaient reprocher à Erik sa passivité, son observation trop attentive puis avaient finit par reconnaître que c'était là sa plus grande force, une part du don qu'il avait reçut pour que s'accomplisse leur destin.
Rien ni personne encore n'avait pu faire quitter à Erik cet état de fait, alors pourquoi à présent se trouvait il là, à veiller sur cette créature au détriment de ses occupations. Pourquoi se plaisait il à la savoir saine et sauve alors qu'elle ne devrait être pour lui qu'un petit oiseau rare.
Intrigué par ce mystère, le joueur de flûte passa sur sa lèvres inférieur le revers de son pouce, un léger rictus perplexe déformait ses traits, puis un sourire prit place, un sourire apaisé et conquis par celle qui s'offrait à son regard, ce farouche petit oiseau rare qu'il avait eut le plaisir de recueillir.

Sur une chaise non loin de là avait été posé une robe, l'une de celle qu'il avait demandé de faire porté lorsqu'il avait su que le moment était venu de rentrer, une robe sans chichi mais élégante au tissus fin et délicat. Sa soeur, sa très chère soeur ne lui en voudrait pas, non, elle comprendrait c'était certain...

Un nouveau mouvement, puis un soupir d'aise, l'oiseau rare ne tarderait pas à s'éveiller, mais comment réagirait il s'il voyait que le joueur de flûte l'avait amené le temps de quelques soins dans une cage dorée ?

Les premiers signes de son réveil enfin. Erik qui était resté à son chevet depuis des heures et des heures entières n'avait attendu que cela. La belle endormie quittant les bras de Morphée commencerait à bouger, s'étirer puis ouvrir les yeux. Un sourire apaisé apparut sur le visage de l'asgardien, les choses allaient donc mieux.
Avec douceur, le jeune homme avait refermé son livre, son regard ne parvenait à quitter la jeune femme , détaillant une nouvelle fois son corps, ses muscles que l'on pouvait à peine deviner. Leur regard se croisèrent, il était temps pour le joueur de flûte de reposer son livre.

A peine avait il finit son geste et s'était il retourné vers son invitée que le poing de celle ci s'abattit sur son visage, la surprise ne l'avait pas fait éviter le coup et la force l'avait même projeté au sol. Il se passa quelques secondes avant qu'il ne réalise ce qu'il s'était produit. Sa main avait gagné sa mâchoire qu'une douleur lancinante et irradiante brulait, tombé à plat ventre, le jeune homme s'était relevé sur un coude, faisant face avec fascination à son oiseau rare.

Dans son regard il y avait de la surprise, oui beaucoup de surprise, de la fascination aussi, de l'admiration peut être, mais aucune rancune. Il l'a vit se déplacer vers lui avec difficulté mais conviction, jusqu'à venir le jeter de nouveau au sol et entraver son corps par le sien. Sa main appuyant sur sa gorge rendait sa respiration plus difficile, sa déglutition plus douloureuse.

C'est vrai, ces mots qui sortaient de ses lèvres avec autant de rage étaient tout à fait vrai, pour bien peu il en connaissait d'autre qui aurait tuer... Sa Lénore, sa sœur n'aurait pas eut autant de pitié devant une telle insistance. Mais c'est qu'Erik ne la regardait pas avec perversion, ni indiscrétion, il l'a regardait comme l'on regarde un beau paysage, une somptueuse sculpture, et avait tendance à oublier qu'autant d'insistance pouvait être mal perçut... Le coup de poing n'était très certainement pas volé.

« Je te présente mes excuses petit oiseau, je ne voulais pas te paraître inconvenant. »

Sa voix résonnait limpide dans l'esprit de son interlocutrice, une voix qui paraissait franche, sincère comme si elle était issue d'un être vivant dans une autre réalité qui ne pouvait pas penser à mal.
Il l'avait vu jeter un coup d'œil sur sa blessure et mieux que des mots qu'elle aurait pu prononcé, son regard exprimait toute son incompréhension.

« Tu es ici chez moi, je t'avais promis de te mettre à l'abri, loin des villageois... Tu es tombée inconsciente sur le chemin, le froid et tes vêtements mouillés auraient pu aggraver les choses, mais ne t'en fais pas, je connais les plantes et les fleurs. Une fois installée au chaud, je t'ai soigné. Tu es pleine de vigueur et de bravoure, tu devrais te remettre vite de cette vilaine blessure. »

La pression sur sa glotte commençait à devenir douloureuse, un mince filet de sang coulant de sa lèvre ouverte glissait à présent dans sa gorge, mais Erik demeurait très calme, seul quelques détails sur son visage laissait apparaître sa douleur, la commissure de ses lèvres s'étirant, les traits de son visage se creusant légèrement, pourtant sur son visage et dans son regard demeurait l'apaisement . Il ne voulait pas brusquer son oiseau rare, non.

« Tu ne devrais pas te lever. »

Mais l'asgardien pensait que ses paroles ne seraient pas du goût de la jeune femme, elle qui ne semblait pas être du genre à rester alitée pendant des heures.

« Maintenant si tu me laisses me relever, je t'apporterai de quoi manger. »

Il n'y avait pas de chantage là dessous, seulement il pouvait sentir la faim qui était entrain de tordre les intestins de la jeune femme penchée au dessus de lui. Peu à peu, elle relachait l'étreinte peut être parce qu'elle pensait n'avoir plus rien à craindre, ou alors parce qu'Erik le muet faisait en sorte que...

Avec douceur, il l'a fit basculer sur le coté, ses bras entourant le corps de la jeune femme afin que celle ci ne touche pas le sol, puis à genoux, il se releva, son invitée entre ses bras.

« Tu ne devrais pas trop solliciter ta jambe... Non pas que tu n'en sois pas capable, disons plutôt que moins c'est le cas, plus vite tu pourras retrouver tes bois. »

Presque avec regret, il la déposa sur l'un des bancs qui se trouvait de part et d'autre de la table sur lequel Erik avait déposé le repas que lui avait préparé avant de partir sa douce Lénore. Un repas pour plusieurs personnes tant elle avait peur qu'il manque de vivres.
Erik quitta quelques instants la pièce et revint avec une assiette chaude dont le fumet était tout bonnement délicieux.

« Voilà qui devrait te faire du bien. »

Il déposa l'assiette devant elle, alla se laver les mains dans une vasque posée sur un guéridon près du lit, prit un linge propre dont il se servit pour essuyer le sang qui coulait encore. Puis trempant un autre coin du linge dans un bol, l'appliqua en tapotant sur sa lèvre ouverte avant de venir s'asseoir devant la jeune femme affamée.

« Et bien mange... C'est ma sœur qui l'a préparé, et c'est un fin cordon bleu. »

Il est vrai que vue sous cet angle, la jeune créature n'avait plus rien d'un petit oiseau, la lueur dans son regard, cet esprit combatif, ce port altier faisait plutôt d'elle un aigle royal, un faucon. Mais lorsqu'il l'avait vu là bas dans la neige prise au piège, qu'importe son bec aiguisé, ses serres acérées, elle resterait pour lui un petit oiseau rare, rare et précieux, il pouvait le sentir.

Natassja, ainsi donc voici quel était son prénom, tout d'abord ferme, dur, comme la lueur dans son regard, puis le son se faisait chantant comme pour adoucir ses traits, comme lorsqu'il l'avait contemplé à loisir une fois que la fièvre l'avait quitté. Et si ce prénom qui avait les couleurs de ses origines, elle, la beauté des glaces, ne l'avait pas réellement surprit, ce qu'elle était en revanche, un chevalier d'Athéna était bien plus surprenant... En effet, si Erik l'éternel observateur n'avait pas manqué de remarquer le cosmos qui l'avait entouré lorsqu'elle avait porté secoure à ce fou, s'il n'avait pas oublié que sa voix vibrant dans son esprit ne l'avait en rien étonnée, l'asgardien ne pensait pas que cette élue des dieux soit venue d'aussi loin.

Mais l'heure n'était pas aux questions, pas lorsqu'il sentit le trouble dans son esprit, lorsqu'il vit sa mâchoire se crisper, pu sentir le poids des souvenirs, lourd, si lourd en elle.

-Non, le temps n'est pas aux questions, mais j'aurais l'occasion, je le sais, de comprendre le tracé de ton histoire, petit oiseau rare.

La suite de la scène s'était rapidement poursuivit, Natassja aussi avait des questions, des questions qu'elle n'hésita pas à lui poser et Erik qui était un homme de mesure avait prit tout son temps pour répondre, accueillant les demandes de son hôte par un petit sourire en coin, un sourire qui était un hommage à son courage, un hommage à cette force qui brulait en elle et ne lui faisait pourtant pas perdre le fil des évènements...

Ce n'est que lorsqu'il s'était enfin assit face à elle, que la méfiance de son hôte s'était envolé tout du moins suffisamment pour qu'elle apporte jusqu'à ses lèvres les mets préparés par Lénore, qu'Erik avait finit par répondre.

« Cet homme n'a t'il pas choisit de lui même de monter sur cette glace instable ? Ne savait il pas en tant qu'asgardien que ses jours étaient comptés, que son acte n'était que pure folie ? Qu'aurais je bien pu faire face à la folie des hommes ? S'il a été suffisamment fou ou idiot pour défier la mort et les dieux, ce n'est pas à moi de le soustraire à son destin... Je sais certaines choses, j'ai certains talents, mais mon rôle est bien différent du tien. »

Sous son regard bienveillant, la jeune femme s'était mise à manger, de bon cœur, de bon appétit, rien d'étonnant lorsque l'on savait la journée et la nuit qu'elle avait passé, les forces dont son corps avait besoin pour guérir et pouvoir repartir aux fins fond des bois. Car oui, elle repartirait, leur chemin se sépareraient puis finalement ils se rejoindraient à nouveau.

« Mais toi, toi tu n'es pas comme lui, tu es une bienfaitrice, un être lumineux et profondément bon quoi que tu puisses en penser... Je n'avais pas le droit de te laisser entre les mains de ces ignorants qui malgré ta bonté t'auraient surement exhibés, priés, te suppliant d'accomplir miracle sur miracle jusqu'à ce que finalement ils ne te brulent pour sorcellerie... Ce qui est différent très vite effraie. »

Sa première question était très juste, tout autant que la seconde qu'elle venait d'énoncer, plongeant son regard dans le sien, ne lui laissant pas loisir à mentir, chose qu'il n'aurait jamais fait, jamais envers elle.

« Je ne suis qu'un observateur. La nature m'a doté de talents, mais j'ai pu constaté que l'humanité n'était pas prête à être sauvée. Son libre arbitre n'est pas un mal, mais mal utilisé, il la rend folle, démente presque... Il n'y a pas de revirement, si la scène avait à se répéter, la fin ne serait pas différente, ni pour lui, ni pour toi. Je n'ose imaginer le poids que tu portes sur tes épaules, ni le destin qui est le tien, tant de sacrifice que tu as fait et que tu auras à faire, si j'ai pu au moins t'éviter d'être confronter à la méchanceté et à la bêtise humaine, c'est le moins que je puisse faire. »

Un rictus plus doux était né sur son visage, il ne détacha pas un seul instant son regard du sien, lui offrant à loisir la possibilité de lire en lui, d'y voir la sincérité de ses propos. Raillé, spolié, craint, Erik connaissait bien cette situation, il savait pourquoi elle fuyait les hommes dans les bois, pourquoi elle se cachait à l'abri de leur regard, et pourquoi bientôt elle repartirai loin d'ici. Le joueur de flûte avait prit une profond inspiration, puis il s'était relevé.

« A présent si tu le permets, je vais te laisser. Tu as besoin de repos pour que ton égratignure ne disparaisse enfin et que tu puisses retrouver ta liberté Natassja... Restes autant que tu le désires, pour ma part, je dois me rendre à Polaris, ma sœur y officie comme petite main et je n'ai pas le cœur à la garder loin de moi. »

Une vraie tendresse était apparut dans son regard, sur son visage mais aussi dans le timbre de cette voix qui vibrait dans l'esprit de la jeune femme.

« Je crois que nous nous reverrons bientôt... »

Et sur ces mots, il s'était incliné, leurs destins tôt ou tard se rejoindraient, c'était certain, Erik sentait bien que cette blonde créature serait une alliée de poids dans leur idéal, et puis il y avait ce regret qui lui étreignait le cœur alors qu'il quittait la chambre; et la joie d'envisager leurs retrouvailles.

la suite pour moi