Souvenir d'Orichalque

Pour le profane travailler le métal était d'abord une question de force et de robustesse. Il est vrai qu'on ne peut pas penser autrement quand on observe un forgeron s'acharner sur le métal rougeoyant fraichement sorti de la gueule ardente de son fourneau, à l'aide de son marteau pour essayer de le modeler selon sa volonté. Mais derrière cette démonstration de puissance brute, se cache une grande sensibilité, l'artisan est toujours à l'affut de la moindre aspérité de la matière sur laquelle il travaille. Cette même sensibilité allait être mise en œuvre par le cyclope pour exécuter l'ordre de la régente : « Déchirer le voile de mystère qui recouvrait cette scale désespérément vide ».

Brontès prit quand même le temps, d'apprécier l'atmosphère si chaleureuse de l'atelier de son défunt père. Où qu'il pouvait regarder, ne serait-ce que la plus vulgaire pièce de métal recouverte de poussière, ravivait des souvenirs nostalgiques de son paternel. L'endroit n'avait pas changé, épargné miraculeusement par la crise qu'avait connue le royaume sous-marin après l'invasion des cinq bronzes d'Athéna. Même la vielle pipe en écume de mer sur laquelle son père avait l'habitude de tirer était présente, l'étourdi l'avait juste oubliée avant de partir sur Death Queen Island, ou juste laissé en espérant la léguer à son fils.

« Allons-y »

Avec un sourire amer, le forgeron abandonna ses souvenirs pour se pencher sur l'armure d'orichalque qui avait pris place sur une table taillée dans un bloc massif de marbre au centre de la forge. Le forgeron resta un long moment à scruter la protection, tantôt admiratif par la qualité du travail des artisans de l'ancien temps, tantôt préoccupé par le sort de son ancienne propriétaire. Lentement, le marina approcha sa main massive entourée de cosmos du métal, on aurait dit qu'il caressait le corps d'une amante, en espérant en retour percevoir des soubresauts et des rales de plaisir.

«Ton était adversaire était puissant, mais pas assez pour terrasser une néréide. »

Cette conclusion avait pu être formulée après l'analyse des scarifications du métal de l'armure. L'importance des dégâts permettaient à un expert de la trempe de Brontès d'estimer la puissance de l'ennemi. Le forgeron soupira de soulagement, tant il était content, on pouvait exclure le décès comme cause de la disparition de Calypso. Brontès intensifia le cosmos qui gantait sa main et fronça les sourcils sous l'effort extrême de concentration qu'il produisait. Les armures gardent toujours une partie de l'essence de leur propriétaire en elle. Brontès voulait l'extraire comme on filtrerait l'impureté de l'eau, mais l'opération se solda par un échec.

« C'est comme-ci ta présence avait été absorbée par une entité, mais je te débusquerai quand même. »

Le jeune forgeron ne possédait peut-être pas encore le savoir pour réussir cette opération, mais son père surement, peut-être qu'il en faisait référence dans ses notes. L'échine du colosse trembla, car il venait de réaliser qu'il devrait se rendre sur Death Queen Island, dans un futur proche.